La liquidation judiciaire simplifiée : tout savoir

L’expression  “liquidation judiciaire”  effraie souvent. Le porteur de projet lors de la création de son entreprise n’envisage pas l’avenir avec la mise en oeuvre d’une procédure de liquidation.

Elle fait pourtant partie intégrante de la vie de l’entreprise. Cette procédure ne doit pas être vécue par l’entrepreneur comme une fatalité ou un mauvais coup du sort, mais comme un nouveau départ, sorte de loi karmique de l’entrepreneur. Dans 90% des cas, les procédures collectives débutent ou débouchent sur une liquidation judiciaire. Une part importante des liquidations judiciaires touchent les petites entreprises.

Le législateur, conscient de cette réalité économique, a mis en place un régime simplifié de liquidation judiciaire qui s’adresse uniquement à ces petites entreprises.

Clic Formalités vous dit tout ce qu’il faut savoir sur la liquidation judiciaire simplifiée.

Accompagnement dans la procédure de liquidation d’entreprise

 

1.­ Liquidation judiciaire simplifiée : la définition

Selon le dictionnaire juridique, “la « liquidation judiciaire » est une procédure collective, résultant d’une action engagée par un ou plusieurs créanciers d’un commerçant, lorsque son entreprise ne dispose plus d’une trésorerie suffisante pour payer les dettes exigibles””.

La liquidation judiciaire simplifiée est une procédure particulière apparentée à la liquidation judiciaire.  Elle ne doit pas être confondue avec la déclaration de cessation des paiements, c’est-à-dire le dépôt de bilan. Le juge peut utiliser la liquidation judiciaire simplifiée sous certaines conditions.  Elle se distingue de la liquidation volontaire ou amiable qui est déclenchée à l’initiative des associés.

 

Une procédure de liquidation judiciaire simplifiée a été prévue au chapitre IV du titre IV du nouveau livre VI du Code de commerce, résultant de l’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 (articles 95 et 96). C’est une modalité dérogatoire de la liquidation judiciaire destinée aux débiteurs  répondant à certaines conditions relatives au chiffre d’affaires, au nombre de salariés et à la possession de bien immobilier. En effet, ce régime simplifié est réservé à la liquidation des entreprises qui ne sont propriétaires d’aucun bien immobilier, lorsque le nombre de ses salariés au cours des six mois précédant l’ouverture de la procédure ainsi que son chiffre d’affaires hors taxes sont égaux ou inférieurs à des seuils fixés par décret. Dans certain cas l’ouverture d’une liquidation simplifiée est obligatoire, dans d’autres cas, l’utilisation de cette ouverture est seulement facultative comme le prévoient les articles L. 641-2 et L. 641-2-1 du Code de commerce. Le Tribunal décide quels biens du débiteur seront vendus et s’ils seront vendus aux enchères publiques ou de gré à gré.

La procédure de la liquidation judiciaire simplifiée peut être :

  • Abrégée : si les biens du débiteur sont vendus de gré à gré, soit aux enchères publiques dans les 4 mois. la procédure doit être terminée au plus tard 1 an après son ouverture.
  • Allégée : dans ce cas, il n’est pas utile de vérifier les créances qui n’ont aucune chance d’être payées. Seules sont vérifiées les créances nées d’un contrat de travail et les créances susceptibles de venir dans un rang utile.
  • Plus formaliste : dans ce cas, le liquidateur judiciaire doit établir un projet de répartition déposé au greffe avec publicité d’avis au Bodacc. Tout intéressé peut dans un délai d’1 mois contester le projet de répartition.

Le prononcé d’une liquidation judiciaire simplifiée par le tribunal ou la cour d’appel est considéré par la jurisprudence comme une mesure d’administration judiciaire non susceptible de recours. La décision d’appliquer ou non une procédure simplifiée de liquidation judiciaire ne peut donc pas être contestée.   

2. Liquidation judiciaire simplifiée : tableau récapitulatif

Liquidation judiciaire simplifiée
obligatoire
Liquidation judiciaire simplifiée facultative
Conditions d’ouverture Les 3 conditions sont cumulatives

  • 1er : l’entreprise n’a pas de bien immobilier
  • 2ème : l’entreprise n’emploie pas plus d’un salarié (au cours des six mois précédant l’ouverture de la procédure)
  • 3ème : le chiffre d’affaires hors taxe de l’entreprise est inférieur ou égal à 300 000 € (au cours des six mois précédant l’ouverture de la procédure)

Le montant du chiffre d’affaires est défini à l’article R. 123‐200 du Code de commerce : « le montant net du chiffre d’affaires est égal au montant des ventes de produits et services liés à l’activité courante, diminué des réductions sur ventes, de la taxe sur la valeur ajoutée et des taxes assimilées ». Il est apprécié à la date de clôture du dernier exercice comptable.

Les 3 conditions sont cumulatives

  • 1er : l’entreprise n’a pas de bien immobilier
  • 2ème: les effectifs de l’entreprise ne dépassent pas 5 salariés
  • 3ème : le chiffre d’affaires de l’entreprise hors taxes est compris entre 300 000 € et 750 000 €.
Caractéristiques Liquidation judiciaire simplifiée obligatoire Liquidation judiciaire simplifiée facultative
Vérification des créances
  • pas de vérification de l’ensemble des créances.
  • vérification des créances salariales
  • vérification des créances pouvant être réglées avec l’actif disponible, en fonction de leur rang
Vente des biens
  • vente des biens de gré à gré  (vente libre avec accord du vendeur et de l’acheteur), ou vente aux enchères publiques par le liquidateur judiciaire. aucune autorisation du juge-commissaire n’est requise.
  • possibilité de désigner le liquidateur judiciaire pour réaliser l’inventaire des biens. Dans ce cas, si la valeur des biens le justifie, le juge-commissaire désigne pour réaliser la prisée des biens un commissaire-priseur judiciaire, un huissier de justice, un notaire ou un courtier en marchandises assermenté.
  • vente des biens mobiliers de gré à gré ou aux enchères publiques par le liquidateur judiciaire. Cette vente doit intervenir dans les 4 mois suivant la décision ordonnant la liquidation judiciaire simplifiée.
Règlement des créanciers
  • 1ère étape : vérification des créances et vente des biens.
  • 2ème étape : établissement d’un état des créances par le liquidateur judiciaire, complété par des propositions  de répartition des sommes recueillies entre les créanciers.
  • 3ème : l’ensemble des documents est publié au Bodacc.
  • 4ème étape : répartition des sommes effectuée par le liquidateur conformément à  ses propositions ou conformément à la décision du juge-commissaire

En cas d’impossibilité de régler l’ensemble des créances, les sommes seront versées en priorité aux créanciers privilégiés. Cet état fera l’objet d’un simple dépôt au greffe.

Durée –   La clôture de la liquidation judiciaire simplifiée facultative est de 6 mois. 
– La clôture de la liquidation judiciaire simplifiée obligatoire est prononcée au plus tard dans les 6 mois après l’ouverture de la procédure. Ce délai peut seulement être prorogé de 3 mois.Le juge a toujours la faculté d’opter pour une procédure judiciaire classique si les circonstances le justifie. Il peut également basculer vers une liquidation judiciaire de droit commun si les délais de clôture de la liquidation judiciaire simplifiée sont dépassés. Dans ce cas, le tribunal fait convoquer le débiteur à l’audience.


Les grandes étapes de la liquidation judiciaire simplifiée : 

Qu’il s’agisse d’une procédure obligatoire ou facultative, voici comment se déroule la liquidation judiciaire simplifiée :

Étape 1 : Ouverture de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée par le Tribunal de commerce qui désigne le liquidateur chargé de mener les opérations de liquidation. Une fois cette décision prononcée, il y a des premières conséquences sur la société :

  • Le dirigeant de l’entreprise est dessaisi
  • La dissolution de la société
  • L’arrêt de l’activité

Étape 2 : Vérification des créances salariales et de celles qui peuvent être réglées avec l’actif disponible.

Étape 3 : Vente des biens de l’entreprise par le liquidateur.  

Dans le cadre d’une liquidation judiciaire simplifiée obligatoire, le liquidateur vend les biens soit de gré à gré soit aux enchères publiques. Aucune autorisation du juge-commissaire n’est nécessaire.

Si la liquidation judiciaire est facultative, la vente des biens mobiliers doit avoir lieu dans les 4 mois suivant la décision ordonnant cette liquidation.

Étape 4 : Etat des lieux des créances pour vérifier si les sommes disponibles peuvent suffire à régler les créanciers.  

Dans le cas où les montants à distribuer permettent uniquement le paiement des créanciers privilégiés, cet état fait alors  l’objet d’un simple dépôt au greffe.

Étape 5 : Clôture de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée au plus tard dans les 6 mois après son ouverture. Ce délai peut être prorogé de 3 mois au maximum.

3. Liquidation judiciaire simplifiée : la clôture et les effets

La procédure de liquidation judiciaire qu’elle soit simplifiée ou non,  se termine par sa clôture, qui est prononcée par le tribunal par voie de jugement.
En ce sens elle est très différente de la liquidation volontaire. En effet, dans le cadre d’une liquidation amiable, l’entreprise a la possibilité d’apurer son passif, avec un actif supérieur au passif, la société est en mesure de payer l’ensemble du passif. En général, le gérant fera office de liquidateur amiable et procèdera au paiement des créances avant de finaliser la liquidation.
Dans le cadre d’une liquidation judiciaire les effets sont différents. 

Si la liquidation judiciaire classique n’est enfermée dans aucun délai légal, la liquidation judiciaire simplifiée répond à des délais qui lui sont propres. En effet, le législateur, dans un souci de simplification pour les petites entreprises, a voulu imposer un délai bref aux opérations de liquidation. Cette procédure s’applique pour des entreprises sans actif immobilier et à l’activité réduite. Le délai d’un an imparti au tribunal court à compter de la décision ayant ordonné l’application de la procédure simplifiée. Cela s’applique au jugement de liquidation judiciaire ou à la décision ultérieure éventuelle par laquelle le tribunal ou son président a pu décider d’appliquer les règles de la procédure simplifiée.

Dans le cadre d’une liquidation judiciaire simplifiée obligatoire, la durée de la procédure est réduite d’un an à six mois (article. L. 644‐5, al. 1 du Code de  commerce).

Une fois les opérations de liquidation terminées, le jugement de clôture de la liquidation judiciaire simplifiée produit les mêmes effets que le jugement de clôture d’une procédure de liquidation judiciaire soumise aux règles communes. Il est soumis aux mêmes publicités et aux mêmes recours :

  • La liquidation judiciaire vaut libération définitive du débiteur à l’encontre de ses créanciers antérieurs à la liquidation.
  • Le liquidateur judiciaire procède à la reddition des comptes. il a 2 mois à compter de l’achèvement de sa mission pour déposer au greffe un compte rendu de fin de mission.
  • Quand le débiteur est une personne morale, la publication de la clôture de la liquidation a pour effet la disparition de celle-ci.

Liquider son entreprise en toute sérénité

La procédure de liquidation judiciaire simplifiée vise à faciliter les démarches de l’entrepreneur lors de la cessation de son activité. Ce type de liquidation judiciaire est également une procédure allégée. En effet, les créances qui en l’état n’ont aucune chance d’être acquittées, telles que les créances chirographaires (c’est-à -dire les créances simples), ne sont pas vérifiées. Si cette procédure vise au départ les petites entreprises, la jurisprudence a ouvert une liquidation simplifiée contre un auto-entrepreneur. La procédure de liquidation judiciaire simplifiée touche également les micro entreprises.

La procédure de liquidation judiciaire continue à interroger le législateur et les professionnels du droit. L’entrée en vigueur de l’ordonnance du 12 mars 2014 complétée par l’ordonnance no 2014‐1088 du 26 septembre 2014 marque une évolution importante dans le cadre des procédures collectives. La société n’est plus vouée à disparaître automatiquement à l’issue de la procédure de liquidation judiciaire. À l’ouverture de cette procédure, la société n’est plus dissoute. Elle  continue d’exister  au plan juridique en toutes circonstances, qu’elle exerce encore ou non une activité à l’ouverture de cette procédure de liquidation judiciaire. Ainsi la société conserve sa personnalité morale pendant la procédure, certes pour les besoins de la liquidation mais également dans la perspective d’aboutir à une clôture pour extinction du passif satisfaisant le débiteur et ses créanciers.

 

Le législateur en mettant en place ce mécanisme a voulu offrir à la société l’espoir d’un avenir meilleur. Mais cette volonté n’est-elle pas illusoire face à la réalité même de la procédure qui impose pour être ouverte que la société soit en “cessation des paiement” et dont “le redressement est manifestement impossible”?  Le premier enseignement que le Bouddha délivre est que “Tout n’est qu’illusion”. La société en liquidation judiciaire sera-t-elle rattrapée par la réalité économique ? Tout est question de karma entrepreneuriale.

Sources :

– Brocard E., “La cession de droits sociaux et l’entreprise en difficulté”, Rev. sociétés 2015. 217
– Coquelet Marie-Laure, Entreprises en difficulté. Instruments de paiement et de crédit, , Dalloz, Droit privé, 6e éd., 2017
-Le Corre Pierre-Michel , Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, , 9e éd., Dalloz Action, 2016
-Voinot Denis, “L’avenir de la société en liquidation judiciaire”, Droit et Patrimoine, No 242, 1er décembre 2014
https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/liquidation-judiciaire.php
https://www.service-public.fr